Marseille

Vision de Marseille depuis les hauteurs de Marseilleveyre.
Tout est blanc sauf le bleu de la mer.

« Au tournant d’un chemin, je vis la mer, tout en bas, entre les collines. Un peu plus tard, je vis la ville même se détacher sur l’eau. Elle me parut aussi nue et blanche qu’une ville africaine. Je me sentis enfin calme, je crus presque toucher au but. Dans cette ville, pensais-je, devrait enfin se trouver ce que je cherchais, tout ce que j’ai cherché depuis toujours. »
Anna Seghers – Transit

« J’entrais sans encombre à Marseille. Vingt minutes après, je déambulais sur la Canebière. Je marchais avec la foule dans le vent qui jetait sur nous, par rafales rapides, lumières et ondées. Et cette légèreté qui me venait de la faim et de l’épuisement se mua en une légèreté sublime, magnifique, créée tout exprès pour ce vent qui m’emportait toujours plus vite jusqu’au bas de la rue. Quand je compris que ce scintillement bleu, au bout de la Canetière, c’était déjà la mer, le Vieux-Port, je ressentis enfin, pour la première fois après tant d’absurdités et de misères, le seul vrai bonheur accessible à chaque être, à chaque seconde : le bonheur de vivre.
Je m’étais toujours demandé, au cours des derniers mois, où pouvaient bien se déverser ces rigoles, ces égouts de tous les camps de concentration, ces soldats épars, les mercenaires de toutes les armées, les profanateurs de toutes les races, les déserteurs de tous les drapeaux. C’était donc ici que cela se déversait, dans ce canal, la Canebière, et par ce canal, dans la mer, où il y avait enfin de l’espace pour tous, et la paix. » 
Anna Seghers – Transit

La nuit remue… nuages nocturnes

Parfois les essais et expérimentations se font à un moment pour ressurgir à un autre…
Pour mon deuxième atelier artistique « Le plein d’été » à Gentilly, en juillet dernier, j’ai cherché à créer un décor de fête, léger, mobile et brillant. Dans mes recherches, je me suis inévitablement rapprochée de deux thèmes qui me sont chers, et que je rassemble à présent pour un projet en cours : les nuages… et la nuit.
Des nuages nocturnes qui renfermeraient des constellations, visibles uniquement dans l’obscurité, la nuit qui remue doucement, et qui ne retient de la poésie que le merveilleux.

De moment en moment

Pourquoi ce chemin plutôt que cet autre ? Où mène-t-il pour nous solliciter si fort ? Quels arbres et quels amis sont vivants derrière l’horizon de ses pierres, dans le lointain miracle de la chaleur ? Nous sommes venus jusqu’ici car là où nous étions ce n’était plus possible. On nous tourmentait et on allait nous asservir. Le monde, de nos jours, est hostile aux Transparents. Une fois de plus, il a fallu partir… Et ce chemin, qui ressemblait à un long squelette, nous a conduit à un pays qui n’avait que son souffle pour escalader l’avenir. Comment montrer, sans les trahir, les choses simples dessinées entre le crépuscule et le ciel ? Par la vertu de la vie obstinée, dans la boucle du Temps artiste, entre la mort et la beauté.

René Char, La Postérité du soleil
Photo Henriette Grindat, La Postérité du soleil

Ce texte m’a été transmis par Ulysse Guyot, visiteur inattendu (et inespéré) de notre exposition « Nostalgies », suite à une discussion entamée lors de son passage (et que se poursuit aujourd’hui, y compris sous forme épistolaire…)

Ulysse m’a envoyé ce texte en même temps que celui de Sophie Rabau, Ulile (texte qu’elle avait rédigé pour le catalogue de l’exposition Le temps de l’île au Mucem) ; Ulile me relie à l’Odyssée, son univers infini, et divers projets avec Sophie (dont celui de la Constellation Kérylos).

Le très beau texte de René Char, De moment en moment, est l’ouverture d’un livre projeté avec Albert Camus, La Postérité du soleil, et illustré de photographies d’Henriette Grindat. Projet de « livre sur le Vaucluse », hymne à la grande amitié entre les deux hommes et leur amour de la terre du Luberon, où ils vivaient l’un et l’autre.

Peut-être une piste pour une exposition à venir ?…