Vision de Marseille depuis les hauteurs de Marseilleveyre.
Tout est blanc sauf le bleu de la mer.
« Au tournant d’un chemin, je vis la mer, tout en bas, entre les collines. Un peu plus tard, je vis la ville même se détacher sur l’eau. Elle me parut aussi nue et blanche qu’une ville africaine. Je me sentis enfin calme, je crus presque toucher au but. Dans cette ville, pensais-je, devrait enfin se trouver ce que je cherchais, tout ce que j’ai cherché depuis toujours. »
Anna Seghers – Transit
« J’entrais sans encombre à Marseille. Vingt minutes après, je déambulais sur la Canebière. Je marchais avec la foule dans le vent qui jetait sur nous, par rafales rapides, lumières et ondées. Et cette légèreté qui me venait de la faim et de l’épuisement se mua en une légèreté sublime, magnifique, créée tout exprès pour ce vent qui m’emportait toujours plus vite jusqu’au bas de la rue. Quand je compris que ce scintillement bleu, au bout de la Canetière, c’était déjà la mer, le Vieux-Port, je ressentis enfin, pour la première fois après tant d’absurdités et de misères, le seul vrai bonheur accessible à chaque être, à chaque seconde : le bonheur de vivre.
Je m’étais toujours demandé, au cours des derniers mois, où pouvaient bien se déverser ces rigoles, ces égouts de tous les camps de concentration, ces soldats épars, les mercenaires de toutes les armées, les profanateurs de toutes les races, les déserteurs de tous les drapeaux. C’était donc ici que cela se déversait, dans ce canal, la Canebière, et par ce canal, dans la mer, où il y avait enfin de l’espace pour tous, et la paix. »
Anna Seghers – Transit